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« Héroïne numérique » ou quand notre smartphone devient une drogue

Nous le savons le smartphone est une addiction, cela signifie-t-il pour autant quil soit une drogue ? Depuis 5 ans, le nombre dtudes consacres au sujet se multiplient. Elles nous rvlent que la relation que nous entretenons avec notre mobile est la mme que celle dun toxicomane avec sa drogue. Une relation qui fait le bonheur des industriels de la Silicon Valley.

Le smartphone sduit toujours plus dutilisateurs

Selon le Baromtre du numrique 2017, publi par le CREDOC, 73% des franais de 12 ans et plus sont dsormais quips dun smartphone. Plus impressionnant, 68% dclarent lutiliser quotidiennement. En 2016, ils ntaient encore que 65% en possder un. Le smartphone a donc bien conquit lhexagone et semble tre indispensable. Latout phare de ce mobile ? Internet. En effet, 42% des franais dclarent quils utilisent plus souvent leur smartphone pour accder internet. Ce sont notamment les rseaux sociaux et les jeux en ligne qui sont le plus consults depuis un smartphone.

Le smartphone est bel et bien devenu un objet du quotidien. Dsormais, de nombreux foyers en sont quips, mme les enfants les plus jeunes. tel point que les fabricants de jouets commencent commercialiser des versions spciales enfants. Cest notamment le cas de V-tech et son Kidicom Max. Des pratiques qui alertent certains mdecins car elles peuvent avoir des consquences sur le dveloppement de lenfant. Dailleurs, sur son site Vtech met en garde les parents : Lcran dun smartphone, tout comme celui de la tlvision, ne doit pas devenir une nounou virtuelle : cela doit tre une activit limite dans le temps et non exclusive. Bien sr, nous recommandons que lenfant joue dautres jeux que des jeux sur crans, ou encore ait une dpense physique rgulire. Des recommandations de mise quant on sait quauxtats-Unis les enfants de moins de 8 ans passent au minimum 2 heures par jours sur un smartphone, selon une tude Common Sense.

De lhabitude laddiction : tous sous dopamine

Le smartphone au-del dtre un objet du quotidien, est devenu pour beaucoup une relle addiction. Selon ltude Deloitte Usages Mobiles 2016 les franais consultent en moyenne leur smartphone 26,6 fois par jour. Chez les 18-24 ans cest quasiment le double, soit une cinquantaine de fois. Comment expliquer une telle dpendance un objet ?

Le problme nest ici pas tant lobjet que son contenu. Interfaces, applications, jeux, accs internet, le smartphone recle de stimulis tous plus allchants les uns que les autres pour notre cerveau. Cest l que tout se joue. Lorsque nous regardons notre smartphone nous sommes en qute de nouveauts. Or la nouveaut excite notre cerveau et nous donne alors un shoot de dopamine, aussi appele lhormone du plaisir/dsir. La dopamine alimente le circuit de la rcompense crbrale. Originellement, elle nous pousse adopter des comportements lis notre survie (manger, boire, se reproduire). Vos notifications, vos rcompenses Candy Crush, vos likes sur Facebook ou Instagram, tout cela cre de la dopamine. Le cerveau devient alors de plus en plus avide et vous retournez invariablement sur votre smartphone.

La dopamine, une aubaine pour les gants de lindustrie

Ce mcanisme les gants du mobile comme Facebook, Apple ou Snapchat lont bien intgr et cest ce qui leur assure notre fidlit. Les interfaces de nos applications prfres ont t conues pour stimuler notre dopamine et le fameux circuits de la rcompense.

Une tude amricaine The power of the like in adolescence, mene parLauren E. Sherman, Ashley A. Payton, Leanna M. Hernandez, Patricia M. Greenfield et Mirella Dapretto a ainsi voulu dmontrer limpact des likes sur notre cerveau et plus particulirement celui des adolescents. Ainsi, ce sont une quinzaine dadolescents qui se sont soumis un scanner crbral alors que des photos dfilaient devant eux. Ces photos taient sur un rseau social, semblable Instagram, elles simulaient avoir t post par eux. On leur montrait ensuite des photos avec peu de likes et dautres avec beaucoup de likes. Le rsultat de cette tude nous montre quune photo avec beaucoup de like stimule le circuit de la rcompense et donc de la dopamine. Mais on saperoit galement que cela va toucher les parties du cerveau qui correspondent aux addictions lalcool ou la drogue.

On pourrait se dire que ce nest quune consquence lie ses applications et pourtant il nen est rien, les concepteurs dapplications sont bel et bien conscients des ractions neurologiques que leur produits dclenchent.

Le mea culpa des concepteurs

On sait dsormais avec certitudes que les mcanismes neurologiques lis au smartphone et plus largement aux crans, sont connus des grands acteurs du secteur. Certains anciens employs sont rcemment sortis de leur silence, comme Sean Parker, un des co-fondateurs de Facebook. En novembre dernier, il expliquait lors dune confrence Philadelphie, comment Facebook avait russi garder ses internautes le plus longtemps possible sur la plateforme. Il voque notamment comment on va venir stimuler la dopamine. Il explique le cercle vicieux de Facebook :il faut vous librer un peu de dopamine, de faon suffisamment rgulire. Do lelikeou le commentaire que vous recevez sur une photo, une publication Cela va vous pousser contribuer de plus en plus et donc recevoir de plus en plus de commentaires et delikesetc.

Il conclut en disant qu la cration de Facebook, les fondateurs, y compris lui, taient parfaitement conscients de quils craient :

On tait lucides, mais on la fait quand mme.

Un autre ancien employ de Facebook,Chamath Palihapitiya, ancien vice-prsident en charge de la croissance de laudience, sortait lui aussi du silence la mme priode. Si lui aussi remet en cause le circuit de la dopamine, il explique que pour lui le rseau social nuit aux interactions humaines : Nous avons cr des outils qui dchirent le tissu social. tel point quil interdit ses propres enfants de lutiliser.

Quel avenir pour le smartphone ?

Il est certain que le smartphone va tre de plus en plus critiqu mais il parat impossible que celui-ci disparaisse. Sil est certain quil y aura une prise de conscience des dangers quil implique par les gnrations futures, son omniprsence dans nos vies ne va pas pour autant aller en diminuant. Cest pourquoi certains anciens de lindustrie songe des solutions. Ils sont plusieurs stre runis pour crer lassociation Time Well Spent. Comprenant que les usagers des plateformes et autres applications ne sont pas de simples utilisateurs mais bien des produits qui rapportent de largent leurs crateurs, ils cherchent aujourdhui faire en sorte que ces plateformes puissent devenir une aide au quotidien.

Dans une courte vido, Max Stossel, un des fondateurs, explique non seulement comment nous sommes devenus un simple produit pour les GAFA et autres gants de la tech; mais surtout comment nous pourrions utiliser cette technologie pour valoriser la vraie vie.

Lide est dutiliser la dopamine pour la bonne cause. Cest sur ce crneau que sest plac la start-up Dopamine Labs. Cette petite entreprise amricaine, compose de neuro-scientifiques, cre les applications les plus addictives possibles. la diffrence prs, quelle se sert du circuit de la rcompense pour faire du sport ou bien pour se dsintoxiquer de nos applications. La start-up nen est qu ses dbuts mais il y a fort parier que ce march va se dvelopper dans les annes venir.

Sources:

Envoy spcial. Laddiction aux crans : hrone numrique

https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/barometre_du_numerique-2017-271117.pdf

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https://www.huffingtonpost.fr/2017/11/11/facebook-a-ete-concu-pour-exploiter-les-faiblesses-des-gens-previent-son-ancien-president-sean-parker_a_23274132/

http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/12/12/32001-20171212ARTFIG00144-un-ancien-cadre-de-facebook-nous-avons-cree-des-outils-qui-dechirent-le-tissu-social.php